Le FC3R a récemment sélectionné pour financement des projets de recherche innovants visant à remplacer l'utilisation d'animaux dans la recherche, mais aussi de produits d'origine animale comme le SVF, le matrigel, le collagène... Découvrez ces projets.
De nombreux produits d'origine animale continuent d'être utilisés en recherche, y compris pour les méthodes dites "alternatives" non-animales, telles que les cultures cellulaires in vitro et les organoïdes. Le sérum de veau fœtal (SVF) - ou sérum fœtal bovin - est le plus répandu, avec une production mondiale annuelle d'environ 600 000 à 800 000 litres, provenant d'environ 1 à 2 millions de fœtus bovins (Festen, 2007). Le SVF est un sous-produit de l'industrie de la viande et du lait, obtenu lors de la découverte de la gestation d'une vache à l'abattoir ; le sérum sanguin est alors prélevé par ponction cardiaque sur le fœtus. Ce prélèvement sanguin peut être source de souffrance pour le veau à naître, en particulier lorsqu'il est réalisé au cours du dernier tiers de la gestation (Jochems et al., 2002), ce qui est encore possible en France, malgré les recommandations d'experts qui ont conduit d'autres pays européens à interdire cette pratique. Bien que des mesures puissent théoriquement être prises pour minimiser la souffrance (van der Valk et al., 2004), la collecte du SVF n'est pas réglementée par les autorités (comme l'a récemment confirmé le Parlement européen), ce qui ne permet pas de savoir quelles précautions sont réellement mises en œuvre et dans quelle mesure.
La campagne de communication du Centre 3Rs d'Utrecht
Outre les préoccupations éthiques majeures soulevées par la production de SVF, il existe de bons arguments scientifiques pour changer les habitudes de culture cellulaire. Le Centre 3Rs d'Utrecht a lancé du 14 février au 29 mars une campagne de deux mois sur les réseaux sociaux, destinée aux chercheurs qui travaillent avec du SVF. "Avec cette campagne, nous espérons remettre en question quelques-uns des préjugés qui entourent l'utilisation du SVF", explique Jeffrey Bajramovic, directeur du centre néerlandais. Entre autres missions, les centres 3R visent à promouvoir le remplacement et à soutenir le développement de méthodes "alternatives", "non animales" ou "nouvelles approches" (NAMs). "De nombreuses NAMs sont basées sur des méthodes de culture cellulaire qui ont en commun d'utiliser des produits d'origine animale, tels que le SVF, dans leurs protocoles", explique M. Bajramovic. "Cependant, l'utilisation de SVF s'accompagne de préoccupations éthiques et scientifiques majeures." Le centre 3R néerlandais a spécifiquement abordé certaines de ces préoccupations scientifiques dans des messages hebdomadaires sur les médias sociaux, afin de stimuler la discussion parmi les chercheurs et d'initier un changement dans leurs habitudes de travail. Zoom sur ces arguments.
Préoccupations liées à l'utilisation de SVF
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Éthique : Bien que nous visions à réduire ou à mettre fin à l'utilisation d'animaux à des fins de recherche en utilisant des NAMs, l'utilisation de SVF dans les protocoles de culture cellulaire exige toujours que nous infligions du stress et de la souffrance aux animaux (transport et abattage d'animaux gravides, avortements tardifs, hémorragie du fœtus, etc.) pour obtenir des substances qui peuvent déjà être remplacées pour plusieurs applications de recherche.
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Coût : Les milieux à base de SVF sont encore moins chers que les alternatives actuellement disponibles, mais leur coût devrait augmenter avec le prix du bétail, tandis que les coûts des produits synthétiques diminuent avec progression de la demande. En outre, lorsque l'on considère les coûts, il est important de prendre en compte l'impact de la qualité des résultats et de leur applicabilité à la recherche, à la médecine, à la santé publique et à la société.
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Pertinence physiologique : L'ajout de SVF peut modifier le phénotype et le comportement des cellules d'une manière non physiologique : dé-différenciation, prolifération et développement d'une forte attache/adhérence, à l'image des cellules tumorales. Son utilisation peut avoir un effet négatif sur la pertinence des résultats pour la physiologie humaine, en particulier lors de l'étude de cellules qui ne sont pas censées proliférer.
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Durabilité : Moins d'un litre de sérum est obtenu à partir d'un foetus de veau. L'utilisation annuelle d'un centre de recherche moyen atteint facilement des centaines de litres de SVF. Cela a un impact négatif sur les émissions de carbone et sur les objectifs de développement durable de la société. De plus, nous ne pouvons pas continuer à produire cette quantité de sérum indéfiniment compte tenu du nombre de veaux nécessaires.
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Origine xénogénique du SVF : Il est intrinsèquement illogique de compléter un milieu de culture cellulaire avec un produit dérivé d'une autre espèce. Cela affecte négativement la validité des résultats, car ils peuvent être confondus avec les réactions liées à l'exposition de matériel biologique provenant d'une autre espèce.
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Composition inconnue et variabilité des lots : Pour les chercheurs, le contrôle est la clé de la reproductibilité. Cependant, la composition exacte du SVF est inconnue, ce qui rend impossible de savoir quel facteur ou combien de facteurs affectent les cellules en culture, et le SVF est produit et vendu par lots, qui diffèrent en permanence, puisque produits à partir de veaux différents. Cela affecte négativement la reproductibilité, la validité et la traductibilité des résultats. Pourquoi choisir d'inclure une source de variabilité inconnue et non contrôlée dans un dispositif expérimental ?
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Sécurité sanitaire : L'utilisation de SVF est incompatible avec les règles de sécurité en vigueur. Ces réglementations visent à prévenir la contamination éventuelle par des agents pathogènes d'origine animale (tels que les prions ou d'autres agents pathogènes zoonotiques). Même si l'application clinique se situe loin en aval, cela affecte négativement l'applicabilité des données préliminaires.
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L'innovation : Le progrès nécessite une adaptation. Même si, à première vue, la tâche peut sembler complexe et difficile, la mise en œuvre de ces mesures augmentera la validité des découvertes scientifiques, améliorera la recherche fondamentale et le développement de médicaments, et conduira finalement à de meilleurs résultats pour le progrès scientifique et pour la santé publique.
Alternatives au SVF pour la recherche
Au cours des dernières années, de nombreuses solutions de remplacement du SVF ont été développées et ne demandent qu'à être testées pour des applications de recherche de plus en plus variées (Weber et al., 2022, Rafnsdóttir et al., 2023). Il existe deux types de milieux de substitution :
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Lysat plaquettaire humain (hPL) : d'origine humaine, obtenu de manière éthique, strictement contrôlé, exempt de composé xénogéniques, universellement utilisable et plus efficace pour la culture de cellules humaines, le hPL a été introduit avec succès en vue de remplacer le SVF, en particulier pour l'expansion de cellules humaines destinées à une utilisation clinique en thérapie cellulaire, ou en ingénierie tissulaire. Cependant, il est rare et précieux et, comme le SVF, de composition exacte non-définie et peut présenter une variabilité d'un lot à l'autre.
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Milieux définis chimiquement (CDM) : il s'agit d'alternatives synthétiques, exemptes de contaminations, de xéno, bien définies et personnalisables pour convenir à la plupart des types et lignées de cellules. De nombreux autres CDM - disponibles dans le commerce ou fabriqués en laboratoire - sont disponibles pour différents types d'applications de recherche.