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Fabien Kawecki, lauréat du Prix 3R "Recherche" 2024 du FC3R

Le FC3R a remis son premier Prix 3R "Recherche" à Fabien Kawecki, chercheur contractuel au Laboratoire de Bioingéniérie tissulaire (BioTis), université de Bordeaux, pour sa publication sur le développement d’un cœur biorobotique et de modèles in silico pour évaluer des biomatériaux d’origine non-animale dans la chirurgie de la tétralogie de Fallot.

13.11.24

Fabien Kawecki

Prix 3R 2024 du FC3R

Découvrez aussi l’interview du lauréat du Prix 3R Culture du soin 2024 du FC3R

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Fabien Kawecki, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis chercheur contractuel au laboratoire de bioingéniérie tissulaire (BioTis) de l'Inserm, affilié à l'université de Bordeaux. Je développe des approches biologiques pour les réparations chirurgicales cardiovasculaires, en particulier pour les applications pédiatriques. Après avoir obtenu un doctorat en ingénierie tissulaire osseuse et microvascularisation à l'université Laval au Canada, j'ai travaillé chez Poietis en bio-impression 4D avant de rejoindre en 2019 l'équipe BioTis du Dr Nicolas L'Heureux. En 2020, grâce à des financements de la Fédération Française de Cardiologie et de l'ANR, j'ai lancé mon propre programme de recherche.

Nous travaillons sur la tétralogie de Fallot, une malformation cardiaque congénitale qui affecte 7 à 10 % des nouveau-nés et qui nécessite une correction chirurgicale pour traiter les défauts complexes affectant la fonction cardiaque. Notre projet a pour objectif d'améliorer la qualité de vie des patients en contribuant à la mise au point de nouvelles approches thérapeutiques.
En effet, les solutions utilisées en clinique sont des matériaux synthétiques ou d’origine animale traités chimiquement qui génèrent des complications majeures, telles que le rejet par le corps du patient, conduisant à une réaction inflammatoire chronique, ainsi que de la calcification et de la thrombose.

En outre, ces matériaux sont propices à l’adhésion bactérienne, ce qui les expose à un risque élevé de formation d’endocardites infectieuses qui sont très mortelles pour ces jeunes patients. Enfin, ils ne peuvent pas grandir avec l’enfant, ce qui nécessitera une réopération avec des risques de morbi-mortalité non négligeables. La solution que nous avons développée est un matériau biologique produit à partir de cellules humaines qui ne génère pas de réaction de rejet et capable de s’intégrer avec le corps du patient. En outre, il a le potentiel de pouvoir croître avec ce dernier, ce qui permettra d’avoir un impact positif majeur sur la santé de ces patients pédiatriques.

En résumé, notre projet a le potentiel de générer des retombées significatives sur plusieurs fronts, contribuant à des pratiques de recherche dans la chirurgie cardiovasculaire pédiatrique plus éthiques et efficaces, tout en ayant un impact positif sur la société.

Comment appliquez-vous le principe des 3R dans vos recherches ?

Nous avons mis en place une plateforme multimodale in vitro/in silico, qui a contribué à développer de nouvelles approches thérapeutiques, tout en remplaçant, réduisant et raffinant l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques.

Nous avons développé un modèle de cœur biorobotique et numérique afin d’étudier l’utilisation d’un matériau biologique innovant synthétisé in vitro qui pourra être utilisé dans la réparation chirurgicale de la tétralogie de Fallot. Le modèle de cœur biorobotique, que nous avons créé à partir de tissu cardiaque et de muscles synthétiques pneumatiques liés par une matrice de silicone élastomère, est capable de mimer in vitro la fonction cardiaque altérée, telle que retrouvée dans cette malformation. Une préservation de l’architecture native des tissus du cœur et le contrôle de ses battements nous ont permis d’étudier in vitro différentes reconstructions chirurgicales ainsi que leurs effets.
Suite à l’obtention de ces données mécaniques et hémodynamiques, nous avons aussi créé un modèle de cœur numérique incluant aussi une fonction cardiaque altérée. Ces modèles nous ont permis d’optimiser notre approche chirurgicale in vitro et in silico avant de la valider sur un modèle animal ovin.

Développement et évaluation fonctionnelle d'une valve de réparation cardiaque grâce à des approches in vitro, in silico et des modèles animaux. Adapté de © Singh et al., 2024 Développement et évaluation fonctionnelle d'une valve de réparation cardiaque grâce à des approches in vitro, in silico et des modèles animaux. Adapté de © Singh et al., 2024

Ainsi, l'intégration des modèles de cœurs biorobotiques et numériques dans notre étude a permis de remplacer partiellement et donc de réduire significativement le nombre d'animaux nécessaires pour le développement et la validation d’une nouvelle approche thérapeutique. De plus, ces modèles nous ont permis d’appréhender davantage l’utilisation de notre nouveau biomatériau pour la réparation de la tétralogie de Fallot, ce qui a permis de raffiner notre approche chirurgicale lors des implantations chez les animaux. En effet, l’optimisation de notre approche par des études in vitro et in silico avant de passer aux essais sur les animaux a contribué à diminuer l'utilisation d'animaux, mais aussi à améliorer le bien-être des animaux en accord avec le principe des 3R. En effet, grâce au modèle que nous avons développé, moins d'expériences invasives et itératives ont été nécessaires, ce qui s’est traduit par une réduction du stress et de la souffrance des animaux.

Notre projet s’inscrit plus largement dans la dynamique de réduction du nombre d'animaux utilisés dans la recherche, ainsi que de ceux utilisés par les industriels pour produire les matériaux d’origine animale (comme les valves cardiaques) utilisés actuellement en clinique. Ce qui répond aux préoccupations croissantes du public sur l'éthique animale.

Comment partagez-vous ces avancées ?

Au niveau scientifique, l’utilisation d’un modèle multimodal, combinant un cœur biorobotique et numérique, offre des conditions expérimentales contrôlées et standardisées. Cela augmente la reproductibilité des résultats qui est une préoccupation majeure dans la recherche scientifique. Nos travaux ont été publiés dans le journal Science Translational Medicine qui est l’un des journaux les plus impactants dans notre domaine. Je suis engagé dans le partage de mes connaissances et de nos découvertes avec l’ensemble de la communauté scientifique, et ai déjà présenté les résultats de ces travaux dans de nombreux congrès internationaux. Deux brevets ont également été déposés. Un premier concernant le développement du modèle de cœur biorobotique et un deuxième concernant l’utilisation de notre matériau biologique d’origine humaine pour la réparation chirurgicale de la tétralogie de Fallot. Ces travaux ont aussi conduit à la création de la start-up Biovalve Therapeutics qui négocie actuellement la licence d’au moins un de ces brevets. Des communications transparentes ont été réalisées auprès de radios (Europe 1, AirZen Radio, France Info) et journaux (Presse Inserm, Science et Avenir, Huffington Post, Le Quotidien du Médecin, Pourquoi Docteur ?, Journal International de Médecine, etc.) afin de partager avec le grand public les avancées de nos recherches.

Que représente pour vous ce Prix 3R « Recherche » ?

Ayant toujours travaillé dans le domaine de la recherche translationnelle, j’ai toujours été confronté aux problématiques et questions éthiques associées à l’expérimentation animale. Même si je suis convaincu qu’aujourd’hui, il n’est pas possible de se passer à 100% des animaux en recherche, c’est une vraie préoccupation pour moi de participer à la Réduction et au Remplacement, en étant actif dans le processus de développement de nouvelles approches non animales. Ce Prix 3R « Recherche », c’est la validation de ces efforts et l’accomplissement de 4 années de recherche très intenses, impliquant de nombreux partenaires en France et aux États-Unis : je suis heureux et fier que ma carrière de chercheur débute sur cette note.

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