CONNEXION  |  CONTACT  |  
FR  |  EN
  CONTACT  |  
FR  |  EN

Remplacer les chats dans la recherche sur la toxoplasmose

Rencontre avec le Dr Mohamed-Ali Hakimi, lauréat de l'appel à projets « Chaires d'excellence en biologie et santé », pour son projet de recherche sur la toxoplasmose qui vise à remplacer l'étude traditionnelle sur les chats par des cultures cellulaires in vitro, offrant ainsi une alternative éthique, 3R et tout aussi efficace.

18.02.25

Les lauréats

Découvrez les 22 chercheurs français lauréats de l'appel à projets « Chaires d'excellence en biologie et santé ».

Partager ce contenu

Le plan Innovation Santé 2030, l’un des axes du plan d’investissement France 2030, a lancé en 2023 un appel à projet  « Chaires d’excellence en biologie / santé ». Ces chaires visent à renforcer l’excellence de la recherche biomédicale française et permettent de financer des équipes de recherche pendant cinq ans. Les 22 premiers lauréats ont été récompensés en 2024, et le FC3R a rencontré l’un d’eux.

Le docteur Mohamed-Ali Hakimi est Directeur de recherche Inserm et dirige une équipe spécialisée en parasitologie à l’Institut pour l’Avancée des Biosciences (IAB) à Grenoble (Inserm, CNRS). Le projet porté par le Dr Hakimi propose d’étudier le parasite Toxoplasma gondii grâce à des cultures cellulaires in vitro, ce qui permet de remplacer les chats, habituellement utilisés en recherche pour mieux comprendre l’infection par ce parasite.

Equipe de recherche du Dr Mohamed-Ali HakimiEquipe de recherche du Dr Mohamed-Ali Hakimi

Le docteur Hakimi a réalisé en 2000, à l’époque ou l’épigénétique est en plein essor, un post-doctorat sur la régulation génique, au sein du Wistar Institute aux États-Unis. Fasciné par les travaux sur les cellules souches et leur reprogrammation et étant très intéressé par les virus et parasites provoquant des maladies, le Dr Hakimi découvre la toxoplasmose lors d’un séminaire à Philadelphie. Lorsqu’il rentre en France en 2004, il constitue son équipe de recherche à l’aide d’un financement Atip-Avenir de l’Inserm et du CNRS. Son équipe travaille maintenant depuis plus de 20 ans sur les mécanismes de régulation génique et épigénétique, dans le contexte d’infection par le parasite Toxoplasma gondii.

Toxoplasma gondii et la toxoplasmose

La toxoplasmose est l’une des zoonoses parasitaires les plus fréquentes, elle est présente sur tous les continents. L’infection peut toucher tous les vertébrés homéothermes (de sang chaud) comme les rongeurs, les félidés et l’humain.

Le parasite responsable de la toxoplasmose, Toxoplasma gondii, possède un cycle de vie particulièrement complexe, caractérisé par trois stades distincts (tous transmissibles) :

  1. Le tachyzoïte, une forme proliférative comparable à une cellule souche, qui se multiplie rapidement.

  2. Le bradyzoïte, à multiplication lente, forme des kystes intra-tissulaires ou intracérébrales chez un hôte immunocompétent. Les rongeurs représentent l’hôte intermédiaire et contaminent les félins par le biais de la chaîne alimentaire.

  3. L’oocyste, issu de la reproduction sexuée, se développe exclusivement dans l’intestin des félidés (hôte définitif). Ils disséminent les oocystes dans l’environnement par les fèces et le sol représente un réservoir. Un oocyste contient et protège près de huit sporozoïtes (l’unité infectieuse).

La toxoplasmose chez l’Homme

Bien que l’humain puisse être infecté par Toxoplasma gondii, il est une impasse évolutive car il ne joue aucun rôle dans la transmission ou la perpétuation de son cycle de vie. L’Homme peut être contaminé de plusieurs manières : à travers la consommation de viande crue, insuffisamment cuite ou contaminée ou de légumes mal lavés (ingestion de bradyzoïtes), par contact avec des excréments de chats (ingestion de sporozoïtes), par voie placentaire (mère-enfant) et plus rarement par des eaux contaminées. Dans tous les cas, qu’il soit bradyzoïte ou sporozoïte, le parasite va évoluer en tachyzoïte, sa forme active.

Chez un patient immunocompétent, la pression du système immunitaire va enkyster le parasite dans sa forme bradyzoïte, qui peut persister pendant presque toute la vie de l’hôte. Chez un hôte immunodéprimé, le bradyzoïte peut se réactiver en forme tachyzoïte, notamment dans le cerveau, et ainsi tuer l’hôte d’encéphalite toxoplasmique. La toxoplasmose peut être particulièrement risquée pendant la grossesse (toxoplasmose congénitale) du fait de l'immaturité du système immunitaire fœtal, qui permet au parasite d’évoluer sous sa forme tachyzoïte et de pouvoir provoquer des avortements ou entraîner de graves séquelles chez le fœtus.

© Mohamed-Ali Hakimi - Cycle de vie et de transmission de Toxoplasma© Mohamed-Ali Hakimi - Cycle de vie et de transmission de Toxoplasma

Étude de Toxoplasma gondii : des modèles cellulaires pour se passer des chats

La reproduction sexuée de Toxoplasma gondii est moins connue que la reproduction asexuée (des sporozoïtes aux bradyzoïtes). Dans l’intestin du chat, le parasite évolue (sous forme de mérozoïtes) dans un processus appelé mérogonie, produisant des morphotypes A, B, C, D et E, qui aboutira à la production de gamètes mâles (microgamètes) et femelles (macrogamètes).

L’étude de cette reproduction pose des questions éthiques et techniques, liées à l’utilisation de chats et d’autres félins. Pour comprendre ces mécanismes, l’équipe du docteur Hakimi a déjà réussi une avancée très prometteuse, sans utiliser de chats. L’équipe de recherche a utilisé l’épigénétique pour modifier le parasite : ils lui ont retiré deux gènes codant pour des facteurs de transcription. Ce parasite modifié a ensuite pu infecter in vitro des fibroblastes humains, et l’équipe a pu obtenir les morphotypes A, B, C, D et E, dit stades « présexués » (Antunes et al., 2024). Le cycle reste cependant bloqué in vitro ne permettant pas la production de gamètes. L’hypothèse de travail est que le parasite produit un facteur (effecteur) qui une fois délivré dans la cellule hôte serait à même de promouvoir le développement sexué.

Ainsi le dialogue entre des effecteurs du parasites et des protéines du chat serait nécessaire pour passer à l’étape sexuée, donc la différentiation et la détermination du sexe. L’un des objectifs de l’équipe est de reproduire in vitro le développement sexuel, pour comprendre comment les protéines de chats influencent les protéines du parasite pour changer l’environnement de la cellule et ainsi mener à la différentiation. Pour comprendre ces mécanismes, ils vont tenter d’inclure certaines protéines ou éléments métaboliques uniquement présents chez le chat dans des cellules humaines.

Étude de souches domestiques et sauvages

Une autre question abordée par l’équipe de recherche est la probable coévolution du parasite, des rongeurs et des chats avec l’humain, en lien avec la domestication. En effet, certaines souches qui ont évolué avec l’humain se sont adaptées, et ne sont pas dangereuses pour une personne immunocompétente. Dans un cadre plus sauvage, certaines souches ont évolué dans un « cycle sauvage » et peuvent être fatales pour l’humain. Pour répondre à cette question, il est en effet important de pouvoir reproduire in vitro le cycle sexué, afin d’étudier ces souches et découvrir les facteurs de virulence sans avoir recours à des félins sauvages.

Le docteur Hakimi permet donc à la parasitologie française d’exceller dans son domaine, tout en permettant le Remplacement des chats en recherche.

Prix 3R "Recherche" 2024 du FC3R

13.11.24

Le FC3R a remis son premier Prix 3R "Recherche" à Fabien Kawecki, pour sa publication sur le développement de modèles biorobotique et in silico de cœur.

Les iPSC une approche non-animale adaptée à la santé humaine

27.03.24

Découvrez le rôle des cellules souches pluripotentes induites (iPSC) dans la médecine à travers les projets de recherche du Dr Alexandra Benchoua.

Toutes les actualités 3R
et du GIS FC3R

Retrouvez les actualités 3R en France et dans le monde.