
Les plateformes bioRxiv et medRxiv

Les plateformes de prépublication bioRxiv et medRxiv sont désormais gérées par la nouvelle entité non lucrative openRxiv, assurant leur indépendance et durabilité grâce au soutien financier de la Chan Zuckerberg Initiative. Pour en savoir plus
Qu’est-ce que le facteur d’impact ?
Le prestige d’une revue est lié à sa ligne éditoriale de pré-sélection des manuscrits sur des critères de nouveauté et d’impact scientifique, puis d’une évaluation critique par des pairs, des experts du même domaine, avant d’être publiés. Plus les articles d’une revue seront cités et plus cela influera à la hausse le facteur d’impact (IF), qui est le nombre moyen de citations de ses articles par d’autres revues et auteurs, rapporté au nombre total d’articles publiés. Par défaut, il est calculé sur une période de publication de deux ans. L’IF est établi à partir de la base de données bibliographiques Web of Science Core Collection (WoS), détenue par la société américaine Thomson Reuters. Le WoS indexe plus de 12 000 revues scientifiques, couvrant toutes les disciplines, y compris les sciences humaines, sociales et les arts. Parmi ces revues, 11 459 disposaient d’un facteur d’impact et étaient citées dans le Journal Citation Reports (JCR) de Clarivate Analytics.
L’IF dépend donc du niveau d’exigence de la ligne éditoriale d’une revue dans la sélection de la qualité des manuscrits qui lui sont soumis. Cette sélection repose sur des critères de nouveauté et d’impact scientifique, ainsi que sur la vérification de la rigueur du design expérimental, du traitement des données et de la présentation des résultats. Par exemple, Nature et Science, deux revues scientifiques multidisciplinaires réputées, ont des IF avoisinant 50 et 45 respectivement, et des taux d’acceptation autour de 6 %. Certains journaux plus spécialisés peuvent atteindre ou dépasser un IF de 95 (The Lancet).
J’ai soumis mon manuscrit : que se passe-t-il ensuite ?
La revue suit deux étapes principales pour évaluer un manuscrit soumis. D’abord, elle effectue un examen de l’adéquation de l’étude avec sa ligne éditoriale. Le manuscrit est alors soit accepté pour une évaluation par des experts (peer review), soit rejeté immédiatement. En cas de rejet, les auteurs vont proposer leur manuscrit à un nouvel éditeur après l’avoir adapté au format exigé.
Lors du peer review, le manuscrit fait l’objet d’un ou plusieurs cycles d’évaluation avec, chaque fois des demandes de modification allant de simples corrections, à la réalisation de nouvelles expériences pour confirmer des résultats ou des hypothèses. Si au terme du processus, les auteurs ont satisfait toutes les demandes des évaluateurs, l’article est accepté ; sinon, il est finalement rejeté.
Combien ça coûte ?
Le processus de peer review est principalement assuré bénévolement par d’autres chercheurs experts. Pourtant, les auteurs doivent s’acquitter de frais auprès de l’éditeur (APC, article processing charges) pouvant être très élevés, entre 800 € et plus de 9 500 €, qui viennent se rajouter aux coûts expérimentaux. Ces frais d’APC ont connu une hausse significative, atteignant 30 millions d’euros en 2020, soit une augmentation de 48 % depuis 2018. Si l’on rajoute à cela les frais d’abonnements, à ces mêmes revues, on atteint la somme astronomique de 117.6 millions d’euros en 2020, rien que pour la France. Pendant tout le processus, rien ne filtre : la confidentialité est de mise entre les reviewers, les auteurs et l’éditeur. Ce manque de transparence du Peer review, avec un nombre croissant d’articles rétractés pour des causes d’intégrité scientifique pouvant aller jusqu’à la fraude, suscite de fortes critiques au sein de la communauté scientifique.
Publication et évaluation par les pairs chez eLife : une approche plus transparente inspirée par Peer Community In (PCI)
En 2023, eLife a redéfini son modèle de publication scientifique en imposant comme prérequis le dépôt ouvert de prépublications (preprints) sur bioRxiv ou medRxiv. Les prépublications soumises sont ensuite sélectionnées par des éditeurs scientifiques spécialisés, sur la base de leur impact et de leur nouveauté, puis proposées à l’évaluation par des experts, tout en évitant les conflits d’intérêts. Les auteurs doivent payer des APC de 2 500 € avant le démarrage du peer review, contrairement à la majorité des éditeurs qui facturent ces frais en fin de processus.
La rigueur et la transparence de l’évaluation par les pairs sont garanties à chaque étape grâce à l’enregistrement et la visibilité des échanges jusqu’à l’arrêt du processus, qui peut avoir lieu sans que toutes les demandes des reviewers aient été satisfaites. La fin de cette étape marque la version finale enregistrée (version of record, VOR), correspondant à la prépublication corrigée, au rapport d’évaluation (incluant commentaires et critiques des évaluateurs), aux réponses des auteurs et aux commentaires de l’éditeur sur la qualité de l’article et l’état d’avancement du processus d’évaluation. Les prépublications sont, en quelque sorte, évaluées, annotées et catégorisées comme des copies notées dans un contexte scolaire, et se trouvent ainsi prêtes pour la publication en l’état.
Cette nouvelle approche d’eLife entraîne un changement notable sur son facteur d’impact, qu’ils refusent de cautionner de longue date, marquant une rupture avec les méthodes d’évaluation traditionnelles.
Effet sur le facteur d’impact
L’adoption de ce modèle a provoqué la disparition de l’IF originel d’eLife tel qu’il était défini. Toutefois, il est à noter que eLife n’a jamais souhaité disposer d’un facteur d’impact et adhère depuis longtemps à la déclaration DORA (initiative mondiale visant à transformer l’évaluation de la recherche scientifique) dont il est l’un des premiers signataires. La stratégie d’eLife constitue donc un véritable pari en matière d’édition et de science ouverte. L’IF d’eLife sera désormais calculé uniquement sur les articles jugés « positivement évalués » par Clarivate et d’autres maisons d’édition.
Reste à savoir si les chercheurs adhéreront et surmonteront la perte de l’IF d’eLife et son modèle d’évaluation payant avant l’évaluation d’un préprint. Il se pourrait que certains auteurs se détournent de ce système, notamment en Chine, où l’IF conserve une importance majeure.
Aspect éducatif : la force de l’exemple
Le modèle éditorial d’eLife sert également d’outil pédagogique en exposant de manière transparente les critiques variées et constructives, ainsi que les réponses formulées durant le processus de peer review. En publiant tous les articles soumis à évaluation, eLife permet à la communauté scientifique de voir comment leurs travaux sont perçus et évalués, offrant ainsi une précieuse opportunité de comprendre les normes de la recherche de haute qualité. Ce processus encourage une culture de critique ouverte qui, si elle se généralisait, pourrait transformer la façon dont la recherche est communiquée et évaluée à l’échelle mondiale.
Comparaison avec PCI et Short Notes
Peer Community In (PCI) met également l’accent sur l’évaluation transparente par les pairs, mais se distingue fortement du modèle eLife ou classique, dans la mesure où il ne publie pas les articles, ni ne leur attribue de DOI. Il propose des évaluations rigoureuses de prépublications, qui demeurent sur des serveurs dédiés. Ce système facilite l’amélioration des manuscrits avant la publication formelle, en accord avec l’éthique de transparence et d’évaluation pilotée par la communauté, sans la pression d’une publication directe.
Les Short Notes, pour leur part, se spécialisent dans la diffusion de résultats souvent délaissés par les revues traditionnelles, les chercheurs, ou même par eLife et PCI, tels que les répétitions fructueuses ou infructeuses, les résultats originaux, et les « résultats négatifs ». Aucune nouvelle expérience n’est exigée, ce qui constitue aussi une différence notable — tout comme la gratuité. Pour les Short Notes acceptées, le processus de reviewing est transparent. Cependant, contrairement à eLife, les Short Notes ne donnent pas accès aux manuscrits refusés. Cette approche de diffusion gratuite de résultats inédits, évalués par les pairs et assortis d’un DOI, joue un rôle essentiel pour élargir le champ des connaissances scientifiques publiées, en intégrant des éléments cruciaux pour une vision plus complète des travaux de recherche — ce qu’aucun autre modèle éditorial n’offre actuellement.
L’approche novatrice d’eLife, complétée par des initiatives comme PCI ou la plateforme Short Notes, pourrait redéfinir l’évaluation de la recherche en privilégiant la qualité et le contenu plutôt que le prestige du canal de publication. eLife cherche à remettre en question les normes et les diktats des éditeurs qui dominent traditionnellement l’évaluation scientifique. La perte du facteur d’impact d’eLife reflète les défis que ces innovations éditoriales posent aux critères de mesure classiques fondés sur la citation. En intégrant des modèles tels que PCI et Short Notes, axés sur des aspects spécifiques de la communication scientifique et de la transparence, eLife enrichit le paysage global de la publication universitaire et bouscule les conventions établies du domaine de l’édition scientifique. Espérons que les scientifiques adhèrent à cette révolution éditoriale et que le pari d’eLife sera gagnant sur le long terme.